
Fermentations maison : choucroute, kimchi, kéfir d’eau
La fermentation est une technique ancestrale qui fait partie de l’alimentation humaine depuis des millénaires. Chacune des grandes civilisations, de l’Asie à l’Europe, a développé ses propres méthodes spécifiques pour conserver et transformer les aliments. De la choucroute alsacienne au kimchi coréen, en passant par le kéfir d’eau, la fermentation offre des possibilités infinies de découvertes gustatives et de bienfaits pour la santé. Dans cet article, nous allons explorer plusieurs techniques de fermentation maison, vous donner des conseils pratiques pour vous lancer et partager avec vous leurs secrets pour un résultat délicieux.
Qu’est-ce que la fermentation
La fermentation est un processus biochimique par lequel des micro-organismes (levures, bactéries) transforment les sucres et d’autres composants des aliments. Lorsqu’on parle de fermentation dans la cuisine, on se réfère principalement à la lacto-fermentation, à la fermentation alcoolique ou à la fermentation acétique. Chaque type donne des résultats distincts. Les légumes fermentés comme la choucroute et le kimchi font partie de la lacto-fermentation, tandis que le kéfir d’eau implique un mélange de bactéries et de levures spécifiques.
Lorsque vous laissez des bactéries lactiques s’installer au sein de légumes dans un milieu salé, elles se nourrissent des glucides présents et produisent de l’acide lactique. Cet acide agit comme un agent protecteur qui inhibe la croissance de micro-organismes indésirables. Résultat, les légumes gagnent une saveur aigre-douce caractéristique et se conservent plus longtemps.
Une bonne fermentation dépend principalement de trois facteurs : la propreté initiale de votre matériel, la qualité de vos ingrédients et la gestion de la température. Bien veiller à ces éléments augmente drastiquement les chances de réussite. Il est également essentiel de s’assurer de la bonne quantité de sel pour la lacto-fermentation. Trop peu de sel pourrait permettre à des bactéries néfastes de se développer, tandis qu’un excès de sel freine les bactéries lactiques bénéfiques.
Pourquoi fermenter à la maison
Avec la montée de l’alimentation saine et de la recherche d’ingrédients de qualité, les aliments fermentés connaissent un regain de popularité. Voici quelques raisons qui rendent la fermentation maison si attrayante :
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Bienfaits pour la santé : Les aliments fermentés regorgent de probiotiques et de vitamines. En effet, durant la fermentation lactique, les bactéries bénéfiques produisent des composés qui peuvent contribuer à une bonne santé intestinale.
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Économies réalisées : Réaliser vos fermentations à la maison vous coûtera généralement moins cher que d’acheter des produits fermentés tout prêts. Les ingrédients de base (chou, carottes, poivrons, eau, etc.) ne reviennent pas cher et, une fois que le processus est enclenché, vous pouvez multiplier les expériences sans trop de dépenses.
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Maîtrise du processus : Fermenter chez soi, c’est avoir la main sur la qualité des ingrédients. Vous pouvez choisir des légumes de saison, bio et locaux, ajuster la quantité de sel et personnaliser les épices à volonté.
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Découverte de saveurs uniques : Le procédé de fermentation vous permet d’obtenir des goûts variés, parfois surprenants. Que vous soyez adepte de la choucroute douce ou du kimchi pimenté, vous contrôlez l’intensité et le profil aromatique.
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Respect de l’environnement : Faire ses fermentations maison s’inscrit dans une démarche écologique. Pas d’emballage superflu, pas de transport lointain. Vous gérez vos propres bocaux dans le respect d’une consommation raisonnée.
Maintenant que vous connaissez les raisons de vous lancer dans cette aventure culinaire, voyons ensemble quelques-unes des fermentations les plus populaires et simples à pratiquer : la choucroute, le kimchi et le kéfir d’eau.
Démarrer avec la choucroute
La choucroute est une préparation de chou fermenté, traditionnelle en Alsace (et dans de nombreuses régions d’Europe de l’Est). Voici un guide pour la réaliser chez vous :
Ingrédients de base
- Un chou blanc (vous pouvez aussi mélanger chou blanc et chou rouge pour une belle variété colorée)
- Du sel non raffiné (idéalement du sel de mer ou du sel rose de l’Himalaya)
- Des épices selon votre préférence (baies de genièvre, graines de carvi, poivre en grains, etc.)
Matériel indispensable
- Une bassine ou un grand saladier propre
- Un bocal en verre hermétique* ou un pot de fermentation spécialisé
- Un poids ou un petit bocal pouvant maintenir le chou immergé
* Assurez-vous qu’il est parfaitement nettoyé et stérilisé, soit en le plaçant dans de l’eau bouillante pendant quelques minutes, soit en l’arrosant d’eau bouillante.
Étapes de la préparation
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Couper le chou : Retirez les feuilles extérieures abîmées et coupez votre chou en fines lamelles. Si vous aimez les textures plus épaisses, vous pouvez les couper plus larges, mais sachez que la fermentation sera plus lente.
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Salage : Placez le chou coupé dans votre grand saladier et ajoutez du sel à raison de 2 à 3 % de la masse totale du chou. Cela signifie qu’il vous faudra environ 20 g à 30 g de sel pour 1 kg de chou (adaptable selon vos goûts). Malaxez le tout pendant quelques minutes jusqu’à ce que le chou commence à rendre son jus.
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Assaisonnement : Incorporez les épices souhaitées (graines de carvi, baies de genièvre, etc.) dans le mélange si vous le souhaitez. C’est le moment de laisser libre cours à votre créativité ou à vos goûts personnels.
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Remplir le bocal : Transférez le chou salé et épicé dans le bocal propre en tassant bien pour éliminer les bulles d’air et faire remonter le jus à la surface. L’objectif est que le chou soit complètement immergé dans son propre jus. L’oxygène est l’ennemi de la lacto-fermentation, alors assurez-vous que la surface du chou se trouve sous le liquide.
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Fermer et laisser fermenter : Placez un poids ou un petit bocal afin que le chou reste sous le jus, puis fermez le bocal ou recouvrez-le d’un linge (selon le type de matériel utilisé). Laissez fermenter à température ambiante (entre 18 et 22 °C) pendant une à trois semaines, parfois plus. Vous pouvez vérifier régulièrement l’odeur et la texture. Durant la fermentation, un gaz carbonique se forme et vous verrez de petites bulles monter. Si vous utilisez un bocal hermétique, ouvrez-le brièvement tous les jours ou tous les deux jours pour libérer le gaz.
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Dégustation et conservation : Au bout d’une semaine, commencez à goûter votre chou. Plus la fermentation est longue, plus la saveur aigre va se renforcer. Conservez ensuite vos bocaux au réfrigérateur ou dans un endroit plus frais pour ralentir la fermentation. La choucroute se conserve ainsi plusieurs mois.
Réaliser son kimchi
Le kimchi est un plat coréen emblématique à base de chou chinois, très pimenté et riche en saveurs. Les recettes de kimchi varient selon les régions et les familles, mais voici une méthode adaptée à ceux qui découvrent la fermentation :
Ingrédients de base
- 1 chou chinois (ou plus selon la quantité souhaitée)
- Gros sel non raffiné
- 3 cuillères à soupe de poudre de piment coréen (gochugaru) ou de piment doux si vous tolérez mal la force
- 1 cuillère à soupe de sucre (optionnel)
- 2 cuillères à soupe de sauce soja ou de tamari
- 3 gousses d’ail pressées
- 1 morceau de gingembre (environ 2 cm), râpé ou finement haché
- Légumes supplémentaires au choix : carotte râpée, radis blanc (daikon), oignon nouveau, etc.
Étapes clés
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Préparation du chou : Coupez le chou chinois en deux puis en quartiers et rincez-le à l’eau claire. Saupoudrez généreusement de gros sel entre les feuilles pour les attendrir et laissez reposer 2 heures dans un grand récipient en veillant à retourner les morceaux de chou de temps à autre.
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Rinçage : Après ce temps, rincez soigneusement le chou dans plusieurs eaux afin d’éliminer l’excès de sel. Laissez-le ensuite égoutter au moins 15 minutes.
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Préparation de la pâte d’assaisonnement : Dans un bol, mélangez le piment en poudre, l’ail pressé, le gingembre râpé, le sucre, la sauce soja (ou tamari) et un peu d’eau si nécessaire pour obtenir une consistance légèrement pâteuse. Ajustez la quantité de piment selon votre tolérance.
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Incorporation des légumes : Coupez des carottes en julienne, un radis blanc en fines rondelles ou lamelles, des oignons nouveaux émincés et mélangez-les avec la pâte d’assaisonnement. Cette étape permet d’avoir un kimchi aux saveurs plus complexes et aux textures variées.
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Assemblage : Étalez la pâte d’assaisonnement préparée sur chacune des feuilles de chou chinois. Vous pouvez porter des gants de cuisine pour éviter d’avoir les mains tachées ou irritées par le piment. Ensuite, refermez bien les feuilles et déposez chaque quart dans un grand bocal ou dans plusieurs bocaux plus petits.
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Fermentation : Laissez fermenter 1 à 2 jours à température ambiante, puis placez le kimchi au réfrigérateur. Le goût se développe encore avec le temps, et il peut se conserver plusieurs semaines voire plusieurs mois. Plus il fermente, plus il devient piquant et acide.
Le kéfir d’eau
Le kéfir d’eau est une boisson pétillante et légèrement acidulée obtenue grâce à des grains de kéfir. Ces grains, composés de bactéries lactiques et de levures, permettent une fermentation rapide et facile à réaliser chez soi.
Ingrédients pour un litre
- 1 litre d’eau de source (évitez l’eau chlorée du robinet, ou laissez-la reposer pour éliminer le chlore)
- 2 cuillères à soupe de grains de kéfir d’eau (disponibles dans certains magasins bio ou grâce à des échanges entre particuliers)
- 3 cuillères à soupe de sucre (de canne de préférence)
- 2 rondelles de citron (bio si possible, car la peau est également en contact avec la fermentation)
- Quelques fruits secs comme des figues ou des raisins secs (facultatif, améliore la fermentation et ajoute des minéraux)
Étapes de préparation
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Dissoudre le sucre : Dans un bocal d’un litre (ou plus grand), mélangez l’eau avec le sucre jusqu’à ce que celui-ci soit bien dissous.
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Ajouter les grains de kéfir : Ajoutez les grains de kéfir d’eau, ainsi que les rondelles de citron. Vous pouvez aussi incorporer des fruits secs qui nourrissent les grains et leur apportent des minéraux favorisant leur santé.
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Couvrir et attendre : Couvrez le bocal d’un linge ou d’une gaze pour laisser passer l’air tout en protégeant des poussières ou des insectes. Laissez fermenter 24 à 48 heures à température ambiante. Plus le temps de fermentation est long, plus la boisson sera pétillante et légèrement acide.
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Filtrer et embouteiller : Une fois la fermentation désirée atteinte, filtrez la boisson pour récupérer vos grains de kéfir. Conservez-les pour refaire un nouveau cycle (ils se multiplient souvent avec le temps). Vous pouvez embouteiller votre kéfir d’eau et le placer au réfrigérateur pour stopper la fermentation.
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Aromatiser : Il est possible d’ajouter des saveurs supplémentaires (jus de fruits, herbes aromatiques, etc.) avant la mise en bouteille. Laissez libre cours à votre créativité pour personnaliser votre kéfir d’eau.
Conseils et astuces
- Hygiène : Nettoyez et rincez soigneusement tous les ustensiles avant de commencer. La fermentation nécessite un environnement sain pour favoriser la bonne croissance des bactéries bénéfiques.
- Utilisation de bocaux adaptés : Les bocaux en verre munis de joints en caoutchouc sont très pratiques, car ils permettent de libérer le gaz formé durant la fermentation. Vous pouvez aussi utiliser d’autres contenants, mais veillez à aérer régulièrement pour éviter les accumulations excessives de CO2.
- Équilibrer sel et température : Pour les fermentations lactiques, respectez les dosages de sel et ne laissez pas vos bocaux à des températures trop élevées (supérieures à 25 °C). Des conditions extrêmes détruisent les bonnes bactéries.
- Patience : Chaque fermentation est unique. Les durées conseillées sont indicatives, alors n’hésitez pas à goûter régulièrement et à ajuster selon vos préférences.
- Surveiller les odeurs : Une odeur désagréable, de moisi ou de levure prononcée peut signifier un problème de contamination. Dans ce cas, mieux vaut ne pas consommer la préparation. Une bonne fermentation a souvent une légère odeur acidulée, rappelant le vinaigre ou le yaourt.
- Personnalisation : Expérimentez avec différents légumes, épices et aromates. Le monde de la fermentation est vastement créatif. Betteraves, navets, courgettes, ail… Tout est possible.
Questions fréquentes
Est-ce que la fermentation nécessite un équipement coûteux ?
Non. Pour la choucroute ou le kimchi, vous avez simplement besoin de bocaux en verre et d’un poids. Le kéfir d’eau ne demande qu’un bocal et des grains de kéfir, que vous pouvez vous procurer à moindre coût. Inutile d’investir dans du matériel sophistiqué pour débuter.
Pourquoi ma choucroute sent mauvais ?
Une mauvaise odeur peut être le signe d’une contamination ou d’un souci d’exposition à l’air. Assurez-vous que tous les éléments sont bien immergés dans la saumure et que le sel est correctement dosé. Vérifiez aussi la température de la pièce. Il arrive parfois que des résidus s’accumulent en surface. Retirez simplement cette couche si elle n’est pas trop épaisse. Si l’odeur est trop forte ou désagréable, mieux vaut jeter la préparation.
Puis-je réussir sans utiliser de sel dans la choucroute ?
Le sel joue un rôle crucial dans la lacto-fermentation, car il limite les bactéries indésirables tout en favorisant la croissance des bactéries lactiques. Vous pouvez réduire la quantité de sel, mais l’éliminer totalement est déconseillé pour la conservation et la sécurité alimentaire.
Existe-t-il des variantes sucrées de légumes fermentés ?
En général, les légumes fermentés ne sont pas vraiment sucrés, même s’ils peuvent contenir des sucres naturels. Vous pouvez toutefois ajouter des fruits pour obtenir des saveurs plus douces (par exemple, des pommes dans la choucroute). Cela aura néanmoins un impact sur la durée de la fermentation et le goût final.
Le kéfir d’eau contient-il de l’alcool ?
Lorsque vous fermentez du kéfir d’eau, une très faible quantité d’alcool peut se former (généralement moins de 1%). Cela dépend de la durée de fermentation et de la quantité de sucre initiale. Pour minimiser sa présence, limitez le temps de fermentation à 24 heures.
Conclusion
La fermentation est une immersion dans un univers culinaire incroyablement riche. Chacune de vos réalisations, qu’il s’agisse de choucroute, de kimchi ou de kéfir d’eau, racontera un peu votre histoire, puisque vous contrôlez chaque étape et chaque choix d’ingrédient. Pour peu que vous soyez prêt à consacrer un peu de temps, vous découvrirez un monde de saveurs inépuisables.
De plus, la fermentation s’inscrit parfaitement dans un régime végétarien, car elle permet de mettre en valeur les légumes et d’en prolonger la conservation de manière naturelle. Les probiotiques favorisent la santé de la flore intestinale, et l’efficacité de la lacto-fermentation sur le plan écologique est un atout non négligeable. Faire sa choucroute, son kimchi ou son kéfir d’eau est donc à la fois un plaisir gustatif et un geste en faveur de l’environnement.
Prenez votre temps, expérimentez, laissez votre curiosité vous guider. Vous verrez rapidement qu’il n’y a rien de plus satisfaisant que de savourer le fruit d’une fermentation maison, né d’un procédé alchimique naturel et d’un soupçon de patience. Alors, à vos bocaux, prêts… fermentez !